La néophobie alimentaire
Comment définir la néophobie alimentaire ?
La néophobie alimentaire est une appréhension de votre enfant par laquelle il exprime son refus à consommer des aliments non familiers. Elle peut également se manifester par une restriction progressive du choix des aliments, que votre enfant avait pour déjà consommés par le passé.
Ce rejet se manifeste lorsque l’un des cinq sens de votre enfant n’a pas été validé. En effet, les cinq sens sont : la vue, l’ouïe, l’odeur, le toucher et enfin le goût. Ils ont une place primordiale dans l’exploration alimentaire de votre enfant et ce dès les premiers instant de sa vie.
La néophobie alimentaire, une étape normale du développement :
Cette période de refus ou d’appréhension est une phase normale du développement et peut débuter relativement tôt, dès l’âge de 18 à 24 mois. Une enquête française réalisée en 1994, a mis en avant que sur 600 enfants âgés de 2 à 10 ans, 77% des enfants présentaient une néophobie alimentaire. Dans cette enquête, trois degrés de néophobie ont été observés :
– Le 1er degré : les enfants demandent à gouter avant de consommer ou non les aliments (39%)
– Le 2ème degré : les enfants acceptent de gouter sous la contrainte mais ne modifient pas leur point de vue initial (32%)
– Le 3ème degré : les enfants refusent de gouter les nouveaux aliments (6%)[1]
Afin de relever ce défi de la néophobie alimentaire, une sensibilisation progressive vis-à-vis des aliments rejetés est importante afin d’accompagner votre enfant pas à pas dans cette exploration.
Vers la découverte des nouvelles saveurs :
L’oralité alimentaire primaire commence dès les premiers mois de grossesse avec la mise en place des réflexes oraux (et notamment la succion) et s’enrichit progressivement au fil des mois en fonction de l’alimentation de la maman puis en fonction du choix d’alimentation lactée lors des premiers mois de vie.
L’oralité secondaire débute vers 4 à 6 mois, lors de la diversification alimentaire. Profitez des repas, qui sont des moments d’échanges privilégiés avec votre enfant pour mettre tous ses sens en éveil :
- Le toucher : votre enfant peut toucher le biberon, la cuillère, les aliments.
- La vue : votre enfant peut également voir le biberon, la cuillère, les aliments
- L’ouïe : votre enfant entend vos sons et vos paroles aux détours de ses prises alimentaires.
- L’odorat : votre enfant peut découvrir les odeurs des aliments, les épices utilisées dans les plats
- Le goût : votre enfant découvre les différentes saveurs : sucrées, salées, amères et acides
Par ailleurs, c’est autour de ces situations de repas que se tissent les liens d’attachements entre vous et votre enfant. De plus, votre enfant s’approprie petit à petit les goûts, les odeurs, les habitudes ainsi que la manière de manger. Manger c’est satisfaire une sensation de faim, un éveil sensoriel mais également un plaisir oral. La proposition d’une diversité alimentaire avant les 18 mois de votre enfant permet de limiter l’impact de cette période de néophobie alimentaire. N’hésitez pas à proposer une alimentation variée et colorée dès le début de la diversification alimentaire.
Quelques points clés à développer pour accompagner votre enfant dans cette découverte alimentaire :
La répétition des expositions aux aliments :
Votre enfant a besoin d’être exposé plusieurs fois à un nouvel aliment avant de pouvoir l’accepter. Ce nombre d’expositions augmente en parallèle de l’âge des enfants. En effet, plus votre enfant grandi et plus il sera nécessaire de multiplier les expositions. N’hésitez pas à solliciter les différents sens de votre enfant lors de cette découverte : l’observation des formes, le toucher, l’odeur, le rapprochement de l’aliment vers les lèvres de votre enfant afin qu’il lui fasse un bisou ou pour laisser l’empreinte des dents. Ces sollicitations vont permettre de réduire petit à petit les appréhensions de votre enfant.
Par ailleurs, il n’est pas forcément nécessaire de réaliser ces sollicitations uniquement au moment des repas. En effet, ces sollicitations peuvent être réalisées à de nombreux moments de la journée : une matinée au marché, un après-midi dans le jardin ou une activité de peinture en utilisant différentes textures alimentaires…
Les repas au centre de la table :
Le repas au centre de la table consiste à déposer tous les éléments du repas sur la table et de laisser à chacun le soin de se servir, ce qui facilite nettement la découverte. En effet, ce type de repas expose et encourage votre enfant à découvrir des nouveaux aliments et limite ainsi les tensions aux repas. Ce repas au centre de la table permet à votre enfant d’apprendre les valeurs du partage, de la politesse mais cela participe également à la neutralité des aliments. Une fois la période d’observation passée, votre enfant aura moins d’appréhension à se servir en réalisant soit des associations par lui-même ou soit par mimétisme de votre comportement alimentaire.
La présentation ludique des aliments :
Sans surprise, des plats ou des assiettes colorées, des aliments découpés en formes amusantes peuvent inciter votre enfant à goûter. Les outils alimentaires tels que les piques en forme d’animaux ou d’aliments sont des outils ludiques pour rendre plus attrayant les aliments. De plus, vous pouvez raconter des histoires sur les aliments pour les rendre plus engageants. Par exemple, vous pouvez très bien imaginer une cracotte qui plonge dans une piscine de carottes ou alors imiter le bruit d’un lapin qui fait « croc croc » dans la carotte ou dans le radis. Laissez déborder votre imagination pour inciter votre enfant à explorer !
Avec un même aliment, varier les recettes :
A la différence d’un « plat industriel » un aliment natif n’aura pas le même gout, ni la même texture en fonction des préparations. Dès lors, n’hésitez pas à attiser la curiosité de votre enfant vis-à-vis d’un aliment en variant les recettes. Encouragez-le à préparer le plat avec vous. Le brocoli sera peut-être plus appétant pour votre enfant s’il est proposé en croquette avec du fromage et de la chapelure, en pancake ou encore dans une pizza en remplaçant la sauce tomate par une purée de brocolis.
Le mimétisme de l’environnement familial :
L’influence de l’environnement familial : les parents, la fratrie… favorise l’exploration. En effet, un enthousiasme positif à l’égard de nouvelles saveurs ou d’un nouveau plat ainsi que les repas en famille permettent de créer un environnement convivial propice à la découverte. N’hésitez donc pas à présenter les aliments ou les plats sur la même intonation que si vous proposiez des frites au repas. Manger est un plaisir contagieux !
L’implication de votre enfant dans la réalisation des repas :
Les enfants sont plus favorables à la découverte des aliments lorsqu’ils ont pu participer à la réalisation du repas. N’hésitez donc pas à faire participer votre enfant même s’il refuse de gouter les aliments. La réalisation d’un repas « Top Chef » est une très bonne occasion de s’amuser en famille tout en favorisant l’accès à la découverte. En effet, votre enfant va pouvoir utiliser ses cinq sens pour découper, préparer, mélanger les ingrédients, gouter avec les doigts, assembler et décorer les aliments. La notion de plaisir et de partage doit être valorisée.
Le partage des responsabilités :
En tant que parent, vous êtes responsable du choix des aliments que vous proposez au menu, des horaires et de l’endroit des repas. De son côté, votre enfant est garant de ce qu’il mange, de la quantité qu’il souhaite consommer ainsi que de l’ordre dans lequel il désire consommer les aliments. Le contrôle de la quantité a toujours été géré par votre enfant depuis sa naissance. C’est au fur et à mesure que votre enfant a grandi que vous avez probablement repris le contrôle sur la quantité des aliments proposées au repas avec une bonne intention : celle de lui assurer une croissance harmonieuse. Ayez confiance en votre enfant et redonnez-lui le contrôle afin de vous enlever une pression au moment du repas et ainsi favoriser un environnement agréable.
On dédramatise :
La pression ou l’insistance peuvent augmenter la résistance de votre enfant aux nouveaux aliments. Il est essentiel de ne pas le forcer à manger. Il est tout à fait compréhensible qu’il y ait des questionnements et de l’inquiétude lorsque vous vous retrouvez face aux refus de votre enfant. Cependant, il est conseillé de rester calme et détendu lors des repas afin que le plaisir de manger puisse être conservé. C’est dans l’intérêt de votre enfant, mais aussi le vôtre.
N’hésitez pas à consultez un spécialiste si nécessaire :
Si cette période de néophobie alimentaire persiste et affecte la santé de votre enfant, n’hésitez pas à vous faire accompagner par un professionnel compétent. Ce professionnel pourra vous guider pas à pas dans cette découverte alimentaire tout en favorisant une évolution harmonieuse de la croissance de votre enfant.
[1]Hanse L. La néophobie alimentaire chez l’enfant. Thèse doctorat : Psychologie. Paris 10 : 1994